
- Scénario
- Graphisme
Unlucky Young Men – tome 1 de Eiji Ôtsuka et Kamui Fujiwara
Tokyo en 1968, une période agitée !
Ki-oon a toujours été un éditeur qui prenait soin de ses titres, que ce soit dans leurs choix ou dans leur réalisation. Ce Unlucky Young Men propose une édition magnifique. Mais le contenu est-il à la hauteur du contenant ? Que nous réserve ce titre paru dans la collection Latitudes qui s’annonce un peu particulier ?
Unlucky Young Men – tome 1 de Eiji Ôtsuka et Kamui Fujiwara est édité par Ki-oon et est disponible à la vente depuis le 08 octobre 2015.
Résumé de Unlucky Young Men 1 chez Ki-oon
Résumé de l’éditeur :
Tokyo, 1968. Les mouvements étudiants tournent à l’émeute et l’agitation gagne le Japon. Pour
essayer d’échapper à son lourd passé criminel, Norio Nagayama rejoint la capitale dans l’espoir d’un nouveau départ. Au Village Vanguard, bar jazz dans lequel la jeunesse révolutionnaire nipponne a ses quartiers, il fait la connaissance de Takeshi Kitano, un jeune comique raté qui tente de faire carrière dans le cinéma. Le grand projet de Takeshi : Unlucky Young Men, un scénario qu’il a rédigé, véritable chronique d’une jeunesse japonaise désabusée et prête à tout pour réaliser ses rêves.
Pour financer la réalisation du film et assurer leur avenir, les deux jeunes hommes vont fomenter
l’attaque d’un fourgon transportant 300 millions de yens…
Aux frontières du polar et de la chronique sociale, Unlucky Young Men nous entraîne dans un Tokyo des années 60 ébranlé par le terrorisme et les révoltes étudiantes. Du futur prix
Nobel de littérature Oe Kenzaburo, à l’écrivain maudit Yukio Mishima, en passant par le tueur en série Norio Nagayama, cette fiction-réalité extrêmement documentée s’appuie sur de
véritables figures historiques pour nous dresser le portrait fascinant et sans concession d’un Japon à la croisée des chemins.
Un récit mi-fictif, mi-réel
Sous la superbe édition de ce pavé, avec sa couverture cartonné et le travail impeccable de l’éditeur, se cache le nouveau titre de Eiji Otsuka (Kurosagi, MPD Psycho…). Ce scénariste s’associe cette fois à Kamui Fujiwara que l’on connait surtout pour Dragon Quest- Emblem of Roto.
Ce Unlucky Young Men nous fait découvrir le Japon de la fin des années 60. Si en France, nous avons eu Mai 1968, au Japon aussi, ils ont eu le droit à leur mouvement de contestation, notamment par le biais des étudiants. Ce seinen se base donc sur un vrai contexte pour appuyer son récit. Certains évènements sont également inspirés de vrais faits comme le vol de fin de volume. De même le scénariste utilise de vraies figures de l’époque. S’il est diffile pour nous autres occidentaux de les reconnaitre, voir simplement de les connaître, un petit peu de recherche (prémâchées par Ki-oon) permet de mieux comprendre la portée de ce manga.
On suit le parcours du jeune N, fraîchement arrivé dans le bar le Vanguard. Il s’agit d’un jeune qui vient d’arriver à Tokyo. Il a un passif assez lourd puisque il a déjà tué et possède en plus un revolver. Son lieu de travail est connu pour être le repère de la jeunesse révolutionnaire. Il y fera la rencontre de T., Yoko, Kaoru…
Les premières impressions sont déroutantes du fait de cette plongée directe dans le quotidien de N., sans trop savoir qui il est. Mais le plus perturbant reste l’utilisation de lettre pour désigner les principaux personnages. Déjà, il y a un côté presque anonyme qui est perturbant, mais surtout la lecture s’avère un peu difficile. Il n’est pas toujours évident d’associer T., K., N…. au bon personnage.
Mais, il faut savoir que derrière ces lettres se cache des personnalités. Ainsi N. désigne Norio Nagayma, un serial killer connu au Japon. T est Takeshi Kitano et M représente Yukio Mishima.
Malgré la dimension un peu historique, qui, forcément, marche moins en France, le lecteur peut avoir du mal à ressentir quelque chose pour les différents personnages. Ils manquent de charisme, pas aidé, en cela, par un rythme un peu lent, assez descriptif et cinématographique. Mais surtout, bien que travaillés, ces personnages souffrent d’une charactérisation un peu tranchée, dans le sens où on ne les sent pas évoluer, très campés sur leur caractéristiques. Surtout que le scénariste se plait à mettre beaucoup de nuances dans ces protagonistes. Aucun n’est totalement méchant ou totalement gentil. Ils en tous un côté loser, désemparés et totalement ancrés dans une époque. Car cette aspect générationnel est omniprésent et se veut presque comme une peinture de l’époque. Du mouvement révolutionnaire étudiant, de la libération des moeurs et des jeunes paumés, il y a une vraie chronique sociale. Mais cette mise en place, cette description du climat social, joue sur le rythme et l’intensité de ce seinen. Il y a quelque longueurs, un peu trop de passages presque contemplatifs.
Cette impression vient beaucoup du choix de Eiji Otsuka de donner une dimension cinématographique à son oeuvre. On a l’impression qu’il essaie de transposer des plans séquences ou autre travellings sur ce médium du manga. Ce qui donne beaucoup de personnalité renforcant les aspect polars et tranches de vie d’une époque, mais, en même temps, alourdit la lecture.
Si le début est un peu lent à se mettre en place, la fin s’accélère avec la préparation du film de T et la mise en place du plan pour le vol d’un butin. Surtout que les autres personnages, tels que les Yoko prennent plus de consistance.
Graphiquement, Kamui Fujiwara propose un style totalement différent de son travail sur Dragon Quest – Emblem of Roto. Ne serait-ce que dans le découpage où il adopte la dimension cinématographique chère à son scénariste. Mais du coup c’est assez immersif notamment par des planches bien détaillées et des cadrages percutants. Ses personnages, bien qu’ayant un charadesign un peu passe-partout, mais réaliste, sont expressifs. Il s’en dégage une sensation de réalisme comme pour renforcer cette plongée dans ce Japon de la fin des années 60. Le seul reproche qu’on peut lui faire c’est que le résultat est assez inégal dans la durée. On sent qu’il est plus à laise et maîtrise mieux son coup de crayon à la fin du tome.
Pour conclure, Unlucky Young Men – tome 1 de Eiji Ôtsuka et Kamui Fujiwara est une oeuvre imposante dans sa forme (gros pavé cartonné) que dans son appropriation. La faute à une volonté de coller à une certaine réalité historique, tout en se laissant une grosse marge d’interprétation et de fiction. Mais cela suppose que le lecteur connaisse un minimum le contexte de l’époque et certaines personnes clés. Mais, nous français, on manque de cette culture. D’où l’impression de parfois passer à côté.
De plus les personnages manquent de charisme et l’aspect cinématographique de la narration et du découpage peut dérouter. Mais en même temps, on plonge facilement dans ces contexte avec cette description des mentalités de l’époque. Que ce soit le contexte historique et sociétale, la libération des moeurs ou les tensions de l’époque on ressent tout ça. L’angle d’attaque réaliste mais fictionnel, parfois très neutre, donne une vraie personnalité à ce titre. Le tout est assez immersif surtout que tout s’accélère à la fin, pour peu qu’on arrive à dépasser les quelques longueurs de début de tomes. Même si la lecture est exigeante, elle vaut le coup !
Et vous qu’en avez-vous pensé ? Aimez-vous la dimension cinématographique de cette oeuvre ?
En voyant la couverture, je m’attends à un manga sur les jeux vidéos. J’aurais lu la quatrième de couverture… le manga part des évènements de 1968 à Tokyo : Norio Nagayama rejoint la capitale pour échapper à son passé tumultueux.