
- Scénario
- Graphisme
Tokyo Ghost – tome 1 de Rick Remender et Sean Murphy
Dépendance au divertissement et aux écrans
Aujourd’hui, je vous propose ma critique de Tokyo Ghost, un comic très prometteur notamment parce qu’il est porté par deux artistes d’exception : Rick Remender et Sean Murphy. Mais le résultat est-il à la hauteur ?
Cette association est-elle concluante ?
Tokyo Ghost – tome 1 de Rick Remender et Sean Murphy est édité par Urban Comics et est disponible à la vente depuis le 27 mai 2016.
Résumé de Tokyo Ghost 1 chez Urban Comics
Résumé de l’éditeur :
L’archipel de Los Angeles, 2089. L’Humanité est devenue totalement accro à la technologie. Créer le buzz est désormais l’unique motivation d’une population tenue dans une dépendance virtuelle et asservie par un gouvernement ouvertement criminel. Et vers les criminels se tournent-ils lorsqu’ils doivent faire appliquer leur loi ? Led Dent et Debbie Decay sont le bras armé de ce pouvoir corrompue et leur prochaine mission les emmènera en plein coeur des Jardins Préservés de Tokyo, bien au-delà de l’influence de leurs commanditaires.
Contenu : Tokyo Ghost vol.1 : Atom Garden (#1-5)
Une collaboration attendue
Tokyo Ghost est un comic que j’attendais à plus d’un titre. Tout d’abord c’est le fruit d’une collaboration entre deux artistes que j’apprécie énormément : Rick Remender et Sean Murphy. Le premier a écrit de nombreux excellents récits comme Low, Black Science, Deadly Class, Fear Agent…
Si on rajoute la promesse d’un récit de SF qui se déroule en partie dans un Japon futuriste, tout est réuni pour me faire de l’œil.
L’histoire se déroule en 2089 dans un monde devenu totalement accroc et dépendant aux nouvelles technologies. Dans la préface est expliqué d’où est venue cette idée, à savoir imaginer notre comportement actuel (par exemple, regarder constamment son téléphone portable) mais poussé à l’extrême. Tout le monde est connecté en permanence. On y suit deux personnages principaux : Led Dent, un agent pour une société de « divertissement », archi-connecté, dépendant mais sans pitié et très costaud. Il est accompagné de sa petite amie Debbie Decay, vierge de toute implants technologiques. C’est elle qui empêche Led de sombrer totalement dans ce monde artificiel. Cette dernière prépare un plan pour aller vivre au Japon, seul endroit dépourvu de technologie.
Rick Remender offre donc un récit critique sur l’utilisation des écrans, sur fond de love story SF. Et le résultat est à la hauteur, même si j’avoue avoir été un poil déçu.
Dès les premières pages, le scénariste nous dépeint ce monde un peu flippant où tout le monde est accroc aux technologies, offrant ainsi un air de post-apocalypse. Cette présentation nous fait nous interroger sur notre utilisation actuelle de la technologie. Et c’est un des buts avoués de Remender, qui dénonce ainsi une trop grande dépendance aux différents écrans. Mais ce n’est pas la seule thématique abordée. Au cours de la lecture de nombreux thèmes seront abordés notamment lorsque notre couple sera à Tokyo et se pliera au style de vie local.
Au-delà des thèmes, les deux protagonistes sont bien introduits et de façon dynamique avec une chasse à l’homme rythmée ! L’occasion aussi d’introduire le méchant : Davey Trauma qui maîtrise bien la dépendance à ces nouvelles technologies. Le récit se focalise vraiment sur ce couple et plus particulièrement sur Debbie qui essaie de sortir Led de sa torpeur pour qu’il redevienne l’homme d’autre fois. C’est une belle histoire d’amour que nous raconte l’auteur, avec un point d’orgue leur vie au Japon où ils se retrouvent enfin. Ce qui commence comme un simple récit de SF, va évoluer vers des enjeux plus intimistes liés à la cure de technologie de Led et de son amour retrouvé pour sa petite amie.
Surtout que ce Tokyo, sorte d’Eden de ce nouveau monde est envoûtant avec ses habitants pratiquant un Bushido moderne. Remender donne donc une touche très asiatique à son récit, dans ses thèmes et son cadre. Il livre un récit puissant, intelligent et plein de promesse. Il nous entraîne dans son sillage avec beaucoup de facilité grâce à des aventures rythmées et une Debbie attachante. Malheureusement, quelques points m’ont un peu gêné.
Tout d’abord le personnage de Led. Si à la fin, on découvre le véritable homme derrière la montagne de muscles, au départ il est complètement intéressant et n’a d’intérêt que via Debbie. Mais quand il repart à la recherche de lui-même, il devient plus profond et ses faiblesses voit le jour. Surtout que Remender utilise à bon escient les flashbacks pour renforcer le lien entre les deux amants. On comprend beaucoup de choses et chacun d’eux se voit gagner en profondeur. On s’y attache, mais il aura fallu du temps.
L’autre reproche que je ferais à Tokyo Ghost c’est une certaine lourdeur. La narration est parfois surchargée par trop de textes. Je ne met pas en cause la qualité (au contraire !) mais je trouve que la fluidité de lecture s’en ressent un peu. Surtout qu’avec l’appui de Sean Murphy, la puissance évocatrice du dessin pourrait parfois se suffire à elle-même.
Car graphiquement, Sean Murphy démontre encore une fois son talent dans le découpage, dans son trait si particulier, parfois brut, parfois fin mais jamais avare en détails. Certaines planches sont magnifiques, notamment dans le néo Tokyo. Il a su digérer les influences SF et japonaises de ce récit pour proposer quelque chose de singulier, marquant et extrêmement visuel. Décidément un Sean Murphy en pleine forme.
Pour conclure, Tokyo Ghost – tome 1 de Rick Remender et Sean Murphy souffre des attentes placées en lui. J’attendais monts et merveilles de ce comic, de cette réunion d’artistes que j’adore. Et je dois dire que je suis un peu déçu. Mais déçu ne veux pas dire nul, bien au contraire. C’est simplement que j’espérais prendre une énorme claque et avoir devant les yeux, un futur classique du comic SF. Mais j’ai « simplement » un excellent titre, bien construit, avec des thématiques fortes et une évolution des personnages passionnante. Le tout mis en forme avec brio par l’un de mes chouchous Sean Murphy. Mais Tokyo Ghost est parfois un peu lourd, avec des personnages qui mettent du temps à se révéler et il lui manque un petit souffle épique.
Mais le tout se lit avec plaisir et la qualité est au rendez-vous. Vu le cliffhanger de fin, j’ai hâte de voir comment Remender va orienter son récit.
Et vous qu’en avez-vous pensé ? Aviez-vous placé aussi de très gros espoirs ?
Perso, je n’ai pas trop accroché avec le dessin au début, mais l’histoire est sympa et les décors sont très originels. J’ai hâte de voir son film, tenez-moi au courant si vous avez de la nouvelle.