
- Scénario
- Graphisme
The Creep de John Arcudi et Jonathan Case
Un polar noir presque classique
Urban Comics continue de se diversifier et de développer sa gamme Urban Indies, avec ce titre initialement paru chez Dark Horse Comics : The Creep.
Ce comic se suffit à lui-même et tient donc en un volume. Mais qu’est-ce que ça vaut ? Qu’est-ce qu’il se cache derrière ce titre ?
The Creep de John Arcudi et Jonathan Case est édité par Urban Comics et est disponible à la vente depuis le 05 décembre 2014.
Résumé de The Creep chez Urban Comics
Résumé de l’éditeur :
Avec le détective privé Oxel, John ARCUDI dote son polar de l’un des personnages les plus attachants du genre. Une oeuvre sombre et profondément humaine.
Un adolescent se suicide deux mois après la mort de son meilleur ami. Désespérée par l’incompétence des autorités, la mère de la victime contacte un amour de jeunesse, le détective privé Oxel Kärnhus. Le corps déformé par une maladie dégénérative, Oxel possède le physique d’un monstre et une sensibilité à fleur de peau. La peur et la pitié qu’il inspire lui seront d’une aide précieuse dans son enquête.
(Contient THE CREEP HC : #0 + #1-4)
Enquête sur le suicide d’un adolescent
Je vais dissiper un risque de malentendu. Avec son titre, la couverture très mystérieuse et sombre, on peut s’attendre à un comic un peu dark, fantastico-horrifique. Mais ce n’est pas le cas. Nous avons à faire à un polar noir dans sa plus pure tradition. John Arcudi, que l’on connait notamment pour son travail sur l’univers de Mike Mignola, nous propose presque un titre suivant les poncifs du polar.
On suit donc l’enquête d’un privé, un peu à l’écart du monde, qui va enquêter sur une sale affaire, plus complexe que ce que l’on peut croire. Mais pour le personnage principal, Oxel Kärnhus, cette enquête va le toucher plus profondément que prévu et sera plus intimiste.
Ce comic The Creep se démarque donc du polar classique sur deux points : son personnage principal, et une certaine sensibilité se dégageant de l’enquête.
Pour ce qui est du personnage principal : Oxel Kärnhus, il a tout du détective de polar : seul, rongé par la vie, ayant un tendance à s’oublier dans le whisky, une « gueule » de sale type… Mais derrière ce détective se cache en fait un homme peu gâté par la vie et sensible. Oxel souffre d’acromégalie. C’est une maladie qui entraîne une augmentation de la taille de certaines parties du corps. Chez notre héros, c’est son visage qui est déformé. Pour vous donner une idée de la maladie, André le Géant, le catcheur dont s’est fortement inspiré Dreamworks pour son Shrek en souffrait.
Il ne peut donc cacher cette maladie qui lui vaut d’être dévisagé et parfois moqué. Ce qui joue forcément sur son caractère et son rapport avec les autres.
Son allure patibulaire ne reflète pas le bonhomme. Car ce n’est pas un monstre, et il se révèle être sensible et touchant. Sa présence apporte beaucoup d’humanité à ce récit. On suit avec beaucoup d’empathie les errements de ce personnage au fur et à mesure qu’il s’enfonce dans son enquête et dans la vie de son amour de jeunesse : Stephanie Brinke.
Avec ce visage un peu effrayant, il fait tout pour ne pas avoir à voir Stephanie. On est donc loin du privé au charme ravageur et sûr de lui avec la gente féminine. De plus, cette enquête, l’histoire de ce fils suicidé, va le plonger un peu plus dans son passé et ses regrets.
La deuxième force vient du scénario et de l’enquête tout en sensibilité et finesse. Tout d’abord, elle est forcément liée aux tourments et à l’émovité du héros, qu’on vient d’aborder. Mais au-delà de ça, même si l’enquête se résout parfois un peu facilement, on plonge dans le passé de ce jeune adolescent disparu mais aussi de celui de son ami qui s’est donné la mort, quelques semaines auparavant.
John Arcudi maîtrise parfaitement le genre du polar, remplaçant le glauque et le malsain par une justesse émotionnelle, en alternant le présent et le passé avec beaucoup de doigté. La progression de l’enquête n’est pas toujours très rythmée, dans le sens où c’est un peu linéaire dans sa résolution, sans fausses pistes, sans réelles difficultés pour avancée. Mais cette dernière est toujours liée aux états d’âme du héros et son côté torturé.
Plus les pistes se resserrent, plus la vérité pointe le bout de sn nez et plus le personnage d’Oxel nous apparaît attachant.
The Creep se finit donc avec ce volume avec une fin intelligente, pleine de finesse mais qui manque de panache. Le rebondissement ultime surprend mais sans enthousiasmer pour autant. Je m’attendais à quelque chose de plus sordide ou tarabiscoté. Cela donne l’impression que ce n’est pas la conclusion ultime de ce récit, mais simplement la résolution de l’enquête. La finalité n’était pas de savoir pourquoi ce suicide, mais bien le chemin émotionnel, pour ce Oxel, pour y arriver.
Graphiquement, le travail de Jonathan Case fonctionne bien avec ce type de récit. Son trait, un peu épais, donne de suite l’ambiance un peu polar noir, mais sans en faire trop. Il y a un petit côté cartoony, pas désagréable qui met bien en avant l’aspect « sale gueule du héros ». Son dessin est également bien expressif et permet de bien faire ressortir toutes les émotions sur le visage des personnages. Sans nous en mettre plein la vue, il parvient à bien différencier visuellement les époques, et les passages fantasmés.
Pour conclure, ce The Creep de John Arcudi et Jonathan Case est un polar qu’on se plait à suivre et bien maîtrisé par son scénariste, malgré un petit côté convenu. On s’attache beaucoup à son héros Oxel et ses émotions dans cette enquête qui va plus le toucher que ce qu’il pensait.
Avec son héros, son intrigue qui n’est finalement qu’un sombre et cruel épisode de la vie, le cheminement de ce récit assez court parvient à nous embarquer dans cette histoire poignante et pleine de sensibilité.
The Creep n’est pas le récit auquel je m’attendais, il est mieux sur certains points, un peu moins sur d’autres, mais reste une bonne surprise !
Et vous qu’avez-vous pensé de ce récit ?
Un polar que j’ai bien apprécié, avec une sacré ambiance.