
- Scénario
- Graphisme
Suicide Island – tome 1 de Kouji Mori
Les suicidaires, rebuts de la société japonaise
Suicide Island (Jisatsutou en VO) est un nouveau seinen, traitant d’un sujet de société et qui touche particulièrement les japonais : le suicide.
Sur ce thème, le mangaka va choisir l’option de les exiler sur une île et de jouer la carte du survival couplé à un mal-être.
Le synopsis, l’idée de base et la jacquette donnent envie de s’intéresser de près à ce titre. Est-ce que c’est prometteur ?
Suicide Island – tome 1 de Kouji Mori est édité par Kazé Manga et est disponible à la vente depuis le 17 novembre.
Résumé de Suicide Island 1 chez Kazé Manga
Sei, est un jeune homme qui vient, une nouvelle fois, de tenter de se suicider. Mais il a échoué et se retrouve à l’hôpital. Devant sa récidive et son manque d’envie de respecter son droit de vie, le personnel soignant lui fait signer un papier confirmant ce choix. Alors qu’il pense s’endormir à jamais, il a la désagréable surprise de se réveiller, mais pas dans un lit.
Il se trouve sur une île, entouré d’autres personnes. Rapidement, il apprend que ces personnes sont aussi des personnes à tendance suicidaire, comme lui.
Au travers d’un panneau, il apprend, avec horreur, que ces suicidaires ont été rayés des registres et sont donc considérés comme mort aux yeux du monde.
Pour ne pas avoir à prendre en charge les coûts, l’état Japonais a pris la décision d’envoyer les suicidaires récidivistes sur une île.
Là-bas, il n’y a plus de lois et ces personnes sont livrées à elle-même. Certains vont se suicider mais d’autres vont essayer de survivre et réapprendre à vivre.
Survivre pour des suicidaires : le paradoxe
Ce nouveau seinen de Kazé Manga, dans le principe, n’est pas sans rappeler un certain Ikigami, préavis de mort mélangé avec poil de Battle Royal. Pourquoi ?
Tout simplement parce que dans Suicide Island il est question d’un état qui prend une mesure radicale pour lutter contre un fléau de leur société. On retrouve donc le principe d’un état qui outrepasse son rôle et n’hésite pas à prendre des mesures critiquables et aux répercussions lourdes.
Ici, il s’agit d’envoyer des suicidaires récidivistes, qui coûtent trop cher à la société en frais médicaux et en frais de réinsertion, sur une île et de les considérer comme mort aux yeux du reste du monde.
Sur cette île, toute contrainte sociétale est enlevée. Il n’y a plus de lois, plus de services publics, plus d’autorité…
Si certains décident de mettre fin à leur jour dès les premiers instants, d’autres vont hésiter et d’autres vont décider de ne pas se suicider.
Et c’est sur ce principe que repose le concept de Suicide Island. Tout est basé sur ce paradoxe, à savoir des gens suicidaires, qui exilés sur une île, vont refuser d’en finir eux-mêmes dans ces circonstances et vont petit à petit trouver une motivation pour survivre.
Même si ce principe peut paraître bancal, au final, malgré quelques grosses facilités, j’y ai cru. Pour beaucoup ce refus de mourir vient d’une réflexion consistant à se dire qu’on ne les laisse pas mourir comme ils l’entendent et que leur mort ne servirait à rien (comme par exemple faire ressentir de la culpabilité à certaines personnes de leur entourage). C’est cette sorte de privation de liberté qui va les pousser à ne pas se suicider de suite. Mais de fil en aiguille, on sent déjà certains personnages reprendre un certain goût à la vie.
Suicide Island, outre sa thématique forte sur le suicide et indirectement sur la pression sociale, joue aussi la carte du « survivalisme ». Ces jeunes sont livrés à eux-même dans un environnement, certes pas très hostile, mais qui nécessite quand même des connaissances pour survivre.
On voit donc le petit groupe d’individus s’étant constitué, tenter de répondre à des besoins primaires comme boire, se nourrir… On reste dans des besoins primaires, bien loin des préoccupations survivalistes d’un récit plus post-apocalyptique.
Là aussi, dans cette survie il y a aussi quelques heureux hasards. Ainsi nos protagonistes trouvent assez facilement un filet de pêche, des tenues de plongée…
Du fait de l’abolition des lois, on pouvait espérer (ou craindre) que cela entraine des comportements extrêmes. Pour le moment, ce n’est pas trop le cas, du moins pas autant que ce que je pense qu’il se passerait dans pareil cas. On a bien, à la fin, un homme qui va user de violence pour obtenir ce qu’il veut, mais ça reste gentillet. Même les abus sexuels envers les femmes sont traités, à mon sens, avec trop de légèreté et trop de happy end. Ainsi, une des personnages principales, se fait agresser mais se fait sauver. Quant à une autre, elle est montrée comme consentante. D’ailleurs ce passage m’a choqué car pour moi ça s’apparentait plus à du viol ou du moins à une relation contrainte.
Qui dit survie en groupe, dis forcément interaction entre personnage, prise de leadership, conflits… De ce point de vue Kouji Mori arrive à bien mettre en place progressivement, une structure du groupe et un mode de fonctionnement. Ainsi deux leaders semblent se dégager. Ils prennent en main le destin du groupe, constitué de beaucoup d’individus très mous et effacés.
D’un point de vue scénario, le mangaka nous livre son récit par les yeux de Sei, qui pour le moment est très passif et déboussolé. On ne sait pas grand chose de lui, ni réellement de son mal-être et de ce qui le rend suicidaire.
Pour le moment, la psychologie des personnages manquent de travail et de développement. Le mangaka se contente de poser les bases, mais sans jamais nous éclairer sur les raisons de leurs tentatives de suicide, ni s’attarder sur leur psychologie. A part deux, trois personnages, on a l’impression d’avoir le même type de jeunes. Ils paraissent tous passifs, apathiques. Les personnalités ont du mal à s’exprimer. Ce qui n’est pas déconnant en soi, puisqu’ils viennent d’essayer de se suicider, et donc sont au bout du rouleau.
Graphiquement, le trait réaliste de Kouji Mori est plutôt efficace. Il y a pas mal de détails sur les décors et arrières-plans. Les découpages classiques remplissent leur office. La mise en scène n’est pas mal non plus et les personnages expressifs. Sans être extraordinaire c’est plutôt agréable.
En revanche, le mangaka n’est quand même pas très bon sur les visages. De profil, les personnages ressemblent à des statues de l’île de Paques. Il y a aussi un problème de proportions des éléments du visage. Ainsi le nez est très grand et l’espace bien trop important entre les yeux et la bouche.
Pour conclure, sans être une réussite, ce Suicide Island a su susciter mon intérêt. Cette idée de base mêlant suicide et survie est assez intéressante, surtout avec cette volonté affichée d’être réaliste. Néanmoins, je trouve que le scénario pêche un peu par quelques facilités (mais ça passe), par un manque de développement des personnages (qui peut s’expliquer car c’est une introduction) mais surtout je trouve le tout trop lisse, sans aspérité. Alors certes, on ressent bien le deséspoir, la fragilité des personnages, mais le lecteur n’est ni terrifié, ni empathique, ni ému, ni inquiet. Il manque d’un peu de personnalité.
Par exemple, tous se comportent un peu trop bien, du fait de leur coté amorphe. Alors qu’il n’y a pas de règle, on ne voit pas assez d’excès de violence, de mauvais comportement et d’égoïsme.
Pourtant, j’ai quand même été captivé par ce récit, du fait de son réalisme et parce que j’ai bien aimé le traitement de la dualité entre envie suicidaire et malgré tout envie de vivre. De plus, il y a pas mal d’éléments prometteurs qui pourraient se révéler passionnant ensuite. Surtout, si le récit se montre moins sage, en tendant vers un peu de Battle Royale ou en louchant du coté de Dragon Head.
Suicide Island est un seinen à suivre mais qui pour l’instant ne convainc pas totalement.
Et vous qu’en avez-vous pensé? Avez-vous trouvé crédible les comportements ? Trouvez-vous aussi que ça manque de pétage de plomb ?
JISATSUTOU © 200 by Kouji MORI/ HAKUSENSHA, Inc
J’ai feuilleté ce premier tome et j’ai eu les mêmes impressions que vous. Ce mélange suicide/survie m’a plutôt surpris, surtout vu le manque de « pétage de plomb » qu’on aurait pu attendre d’une telle situation. Mais il ne s’agit que du premier tome donc des perturbations arriveront peut-être par la suite…
Par contre, un paradoxe m’est apparu : si l’Etat outrepasse ses prérogatives, pourquoi ne pas liquider ces personnes directement au lieu de les transférer ? Leur laisse-t-il une – dernière – chance ? Y a-t-il une « expérimentation » grandeur nature là-dessous (je n’irai pas jusqu’à parler de jeu télévisé ou les paris sont ouverts pour savoir qui va y passer…) ?
Les premières pages sont dispo en ligne via l’éditeur, je les ai lues et une chose m’est venue à l’esprit. Si la majorité des gens se suicident pour échapper à une pression trop forte (boulot, dettes…), une fois isolés et morts aux yeux de leur pays ne devraient-ils pas se sentir plus libres que jamais et aptes à débuter une nouvelle vie « simple »? Leurs envies de suicide devraient tout de même s’estomper au moins un temps à leur arrivée sur l’île… Faudra que je lise la suite pour voir la tournure de l’histoire..
Désolé de ne répondre que maintenant :S
@Mat : Pour moi le manque de pétage de plomb met un coup à la crédibilité de l’histoire. Je suis peut-être pessimiste, mais si on enlève toute contrainte légale et sociétale, je ne donne pas cher de nos réflexes civilisés. Mais effectivement, peut-être que ça arrivera ensuite.
Le paradoxe est effectivement là. Mais je n’y vois, pour le moment, qu’un pretexte pour avoir une histoire. Mais peut-être y’a-t-il quelque chose en dessous, même si rien ne nous le laisse penser pour le moment.
@Chroma : Pendant la lecture, c’est assez bien montré. Il y a ceux qui se suicide et ceux qui arrive à trouver une raison de vivre, quelle soit dans le refus de mourir comme l’état le décide, ou celle d’avoir une contrainte en moins.
pour ma part jai lu les 6 premiers chapitre et je le trouve vraiment accrocheur et le conseil a tout le monde