
- Scénario
- Graphisme
Père & Fils – tome 1 de Mi Tagawa
On ne naît pas père, on le devient !
Le manga Père & Fils ne laisse pas trop planer le doute sur son contenu. Et oui, il est bien question de relation père et fils. On ne sera donc pas trop étonné sur ce point. Pourtant, pas mal d’éléments vous surprendront peut-être plus.
Mais ce Père & Fils promet d’être touchant et plein de tendresse. Est-ce réellement le cas ?
Père & fils – tome 1 de Mi Tagawa est édité par Ki-oon et est disponible à la vente depuis le 10 mars 2016.
Résumé de Père & Fils 1 chez Ki-oon
Résumé de l’éditeur :
Torakichi, apothicaire ambulant, passe la majorité de son temps sur les routes pour visiter ses clients. Résultat : il n’a quasiment jamais vu son fils de 3 ans, Shiro… À la mort de sa femme, il prend une décision qui changera sa vie : celle d’emmener le petit garçon avec lui sur les routes ! Mais si Torakichi est incollable sur les plantes médicinales, il n’y connaît rien en éducation et est loin d’être un père modèle… Pourquoi Shiro pleure-t-il ? Pourquoi se réveille-t-il en pleine nuit ? Entre les soucis du quotidien et son travail éreintant, le jeune papa est complètement dépassé… Les aléas du voyage et les rencontres diverses l’aideront-ils à reconstituer le lien perdu avec son fils ?
Une relation père-fils émouvante
Ki-oon, en dénicheur de manga de qualité, nous a proposé en début d’année un nouveau seinen plein de promesses : Père & Fils.
Comme son nom l’indique, et sans être un devin de génie, on se doute que l’on va parler d’un père et de son fils, et de leur relation.
Dès les premières pages la mangaka pose les bases de son récit. Malgré la sobriété et la simplicité de la mise en scène, on est triste dès les premiers instants où l’on apprend le décès de Shiori, mère du petit Shiro et femme de Torakichi. Mais cette scène, certes triste, n’a pas pour but premier de faire pleurer. C’est un passage obligé pour expliquer pourquoi le père se retrouve seul à s’occuper de son fils, mais aussi pour expliquer certains traumatismes chez nos deux protagonistes.
Rapidement après ça, on retrouve Torakichi s’occupant maladroitement de son fils. C’est ce qui fait la singularité de ce titre. Parce que Mi Tagawa aurait pu simplement nous faire vivre la forte relation entre un père aimant, vivant pour son fils et sa progéniture. Non, ici, la situation est plus compliquée.
Le père, toujours sur les routes, ne connaissait pas tant que ça son fils, à la mort de son épouse. Quelque part, il a décidé de fuir ses responsabilités, confiant son très jeune enfant, qui venait de perdre sa mère, à sa sœur qui s’en est occupée pendant ses jeunes années. Mais Torakichi a décidé de s’occuper à nouveau de son fils.
Sauf que ce dernier ne le connait finalement pas bien, et ne sait pas comment s’y prendre. Surtout qu’il est meurtri par la perte de sa femme et s’en veut profondément d’avoir abandonné son fils.
Quelque part, ce Père & Fils est un voyage initiatique pour ces deux êtres. Entre un Shiro toujours touché par la perte de sa mère, voulant ne plus quitter son père et un Torakichi maladroit, cherchant à comprendre son fils. Clairement ce dernier va essayer de dépasser le stade du « géniteur » pour être un véritable « père ».
Chaque chapitre est une occasion, par le biais d’une rencontre ou d’un voyage, de développer cette relation entre eux, de leur permettre de se découvrir et de s’apprécier. Mi Tagawa a eu l’intelligence d’intégrer de l’inconnu, mais aussi de la maladresse. Un de ses angles d’attaque ressort bien ici. En faisant de Torakichi un père absent, ayant délaissé son fils. De fait, le père est très maladroit, on sent qu’il n’est pas habitué et ne sait pas comment s’y prendre avec son fils. Mais surtout, dans toutes ses interactions, on sent le poids de ses décisions passées et notamment cet abandon. Il cherche à gommer ses erreurs, tout en s’interrogeant sur le rôle de père et l’importance de celui-ci pour son fils. Ce dernier lui voue un amour sans limite, tout en ayant été profondément marqué par son abandon.
De fait, leur relation est extrêmement touchante, parfois joyeuse, parfois triste mais toujours emplit d’un amour non-feint, mais mâtiné de blessures. Etant moi-même père de deux garçons, j’ai été extrêmement touché par ce titre émouvant, sincère et qui ne sombre pas trop dans le pathos facile (même si c’est triste parfois). Je me retrouve parfois en lui, dans sa façon d’apprendre à être père. Car, il n’y a pas de manuel, il n’y a pas de recette miracle, et être père ça ne s’apprend pas, ça s’expérimente.
De plus, les deux personnages évoluent au fil du tome, au fur et à mesure qu’ils apprennent à vivre ensemble et se décoder mutuellement. On ne peut que fondre de tendresse pour le petit Shiro, tellement touchant, surtout dans sa relation avec les Jizo et sa mère.
J’ai également apprécié le fait qu’il est difficile de dater l’oeuvre. Torakichi est herboriste et sillonne les routes de campagne. Un aspect bucolique et rural assez charmant qui ne permet de situer dans le temps ce voyage. D’ailleurs l’aspect botanique est très important dans l’oeuvre. Le père connait extrêmement bien les plantes et leur bienfaits médicinaux. Shiro lui commence à les apprendre. Au final c’est assez instructif même si c’est une médecine très typée asiatique.
Graphiquement, la mangaka a un trait presque intemporel, à la fois un peu classique mais paradoxalement plein de personnalité. Les personnages ont finalement un charadesign quelconque, mais assez fin. Les cases donnent une impression de zénitude de par leur finesse, quelques détails pour des cases aérées et lisibles. Mais la force de Mi Tagawa réside dans sa capacité à donner vie à la relation entre les deux héros, à faire passer beaucoup de sentiments via les visages ou simplement la mise en scène. Elle arrive à créer une ambiance très facilement, notamment dans ses décors qui nous font voyager. Un dessin, à priori classique mais qui cache beaucoup de finesse, de poésie et de beauté.
Pour conclure, Père & fils – tome 1 de Mi Tagawa est un manga très touchant et réussi. Je pense que mon « statut » de père m’aide d’autant plus à apprécier cette oeuvre, mais, même sans cela, on peut être ému et s’attacher à ces personnages. Car évidemment toute la beauté de l’oeuvre vient des deux personnages et de leur relation. Surtout que la mangaka a eu la très bonne idée de faire de Torakichi, au départ, un père fuyant ses responsabilités et pas très doué. Il n’est jamais présenté comme un père idéal, connaissant sur le bout des doigts son enfant et comment résoudre ses soucis. C’est par cette « incompétence » et ses erreurs passées qu’on s’attache à ce personnage. Car au final, on sent que ce n’est pas un mauvais bougre, même s’il est un peu bourru. On sent l’amour pour son fils et son profond regret de sa lâcheté passée.
Bref, un seinen à découvrir, plein de qualité et aux personnages attachants ! Et définitivement, être père ce n’est pas inné, ça s’apprend !
Et vous qu’avez-vous pensé de ce titre ? Vous a-t-il touché ?
J’ai lu ce manga pendant le confinement. Et j’avoue que c’est l’un des mangas pleins de fraicheur et vraiment adorables. Surtout, la façon du père qui voulait acquérir le cœur de son fils. J’ai hâte de voir le tome 2.