No Hero de Warren Ellis et Juan Jose Ryp
Jusqu’où iriez-vous pour devenir un super-héros
Warren Ellis et Juan Jose Ryp nous reviennent chez Milday Graphics. Après un excellent Black Summer, le duo nous revient pour le 2ème volet de leur triptyque consacré à leur vision des superhéros, nommé No Hero.
Ici, ils vont se poser la question : jusqu’où peut-on aller pour devenir un super-héros? Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il faut en chier pour en devenir un dans ce No Hero.
Grâce à la chimie et à une drogue, des humains vont se transformer en surhomme. On suivra un jeune homme souhaitant devenir lui aussi un super-héros.
No Hero de Warren Ellis et Juan Jose Ryp est édité par Milady Graphics et est disponible à la vente depuis le 11 juin 2010.
Résumé de No Hero chez Milady Graphics
Juin 1966, un chimiste Carrick Masterson, annonce la création des Levellers. Il s’agit de surhommes dopés au FX7, une drogue permettant de développer des capacités.
Ce groupe a été créée pour rendre la liberté aux gens car ses membres ne craignent ni la brutalité policière, ni la loi de la rue ni d’être aimés.
En juillet 1977, ce groupe change de nom et devient les Front Line, avec toujours Carrick Masterson à leur tête.
Juin 2011, Dr Shift, un des membres de Front Line se rend sur les lieux d’un crime pour retrouver Judex, un de ses collègues.
Il le retrouve complètement mutilé, écorché vif, torturé mais toujours vivant. Malheureusement il va commettre une grossière erreur en le touchant, ce qui déclenche une bombe.
Masterson, face à ce drame, se doit de trouver des remplaçants, surtout que ce n’est pas les premiers à mourir. Quelqu’un semble en savoir beaucoup sur les corps augmentés au FX7.
Joshua Carver est un jeune homme qui veut plus que tout au monde devenir un super-héros et rejoindre les Front Line. Il fait tout pour se faire remarquer par Masterson, en multipliant les actes de bravoure.
Un jour ce dernier, viendra lui parler et lui proposer de rejoindre les siens. Mais avant cela, il lui demande s’il est réellement prêt à tout pour cela, y compris mourir.
Il va donc être soumis au FX7, et cette phase est très éprouvante. Il risque d’en ressortir changé aussi bien physiquement, que psychologiquement.
Une vision gore du super-héroisme
Deuxième acte pour le duo Ellis–Ryp sur le thème du super-héros. Après un Black Summer réussi, nous avons le droit à ce No Hero, qui, même s’il n’a aucun rapport avec Black Summer, est quand même dans la même lignée.
C’est bien deux histoires totalement différentes. Néanmoins, elles partagent quelques points communs dont le plus visible est cette volonté de désacraliser le superhéros.
Pour ceux qui croient encore au superhéros parfait, manichéen, un peu caricatural et pétri de bonnes intentions, la vision de Warren Ellis risque de mettre à mal vos préjugés.
Car, dans ce comic, devenir un superhéros est vraiment le parcours du combattant. Ce n’est pas choisir la voie de la facilité, mais la voie de la souffrance. Surtout que ces surhommes ne sont pas, ce qu’on peut appeler, des modèles de vertus.
Dans cette œuvre, le scénariste se pose la question de jusqu’où on peut aller pour devenir un superhéros?
Ici, le passage d’homme à surhomme est décrit comme une expérience traumatisante, hallucinatoire et qui impacte sur l’équilibre psychologique du candidat. Ce dernier se voit changer tant sur le plan physique que moral.
La transformation de Joshua Carver occupe une bonne place dans le tome. Il faut aussi signaler que ce passage est très dur, pour le personnage clairement, mais aussi pour le lecteur. C’est assez trash, avec des scènes hallucinatoires flippantes, des modifications physiques assez horribles.
L’absorption de la drogue FX7 va révéler ce qu’est la personne. La manifestation qui s’en suit est donc dépendante de l’homme. D’ailleurs la thématique de la drogue et de ses effets est assez habillement traitée et mixée aux thèmes du superhéros.
Comme dans Black Summer, on retrouve une vraie réflexion géopolitique, qui ne tombe pas dans le manichéen. L’équilibre mondial est lié à l’interventionnisme des Front Line ou Levellers. Ce groupe ne sert plus un gouvernement, mais intervient librement.
Au-delà des thématiques abordés : le passage au statut de superhéros, la géopolitique, l’utilisation des drogues, les sacrifices liées au statut de superhéros, No hero vaut aussi le détour pour son scénario.
A partir de la moitié du tome environ, l’ouvrage prend un virage assez inattendu, ingénieux, avec de vrais rebondissements pour se conclure par un final que le lecteur n’oubliera pas. C’est gore!
Le tout est bien équilibré, et augmente bien crescendo. On ne s’ennuie pas lors de la lecture. Le lecteur est happé dans le tourbillon concocté par le scénariste. D’autant plus que ce dernier n’y va pas avec le dos de la cuillère. Il y va franchement.
No Hero est à réserver à un public averti. Certains passages sont difficiles, gores et dérangeants.
Il y a également un vrai travail sur les personnages comme Carver ou Masterson, ou les autres Front Line. Ils font assez réalistes, avec leurs travers et leurs faiblesses.
Au niveau du dessin, on reconnait la patte graphique de Juan Jose Ryp. Et comme d’habitude on aime ou on déteste. Son style est très chargé. Chaque case contient une multitude de détails qui surchargent beaucoup le tout, créant, certaine fois, une impression de fouillis, et une mauvaise lisibilité.
Personnellement, j’ai eu du mal à rentrer dans son graphisme, mais maintenant je l’apprécie beaucoup. Surtout que là, contrairement à Black Summer, il s’est calmé dans la surcharge. Certes, on a encore des planches très denses, comme les hallucinations de Carver, mais il y en a beaucoup moins. De fait, la lecture s’en trouve fluidifiée. Et Ryp n’est jamais aussi bon que quand il ne surdétaille pas.
Son style colle à l’ambiance du titre. Au travers de son trait on sent, lors de certaines scènes, ce coté poisseux, gore et malsain.
Concernant l’édition, Milady Graphics réalise, une nouvelle fois, une belle adaptation. A noter qu’il y a une belle galerie en fin d’ouvrage. Les couvertures, qui ponctuent les chapitres, sont intéressantes, avec leur gros clins d’œil, dont, pour moi, le plus évident à Watchmen.
Pour conclure, No Hero est dans la même lignée que Black Summer, mais peut-être encore un poil meilleur. On retrouve les thèmes forts de Warren Ellis : l’aspect chimique des pouvoirs, la géopolitique, des héros torturés, complexes et humains et une surtout une vision plus glauque et moins reluisante du super-héroisme.
Avec ces thèmes forts, il n’en oublie pas le scénario qui va s’accélerer dans la seconde moitié pour nous livrer un final marquant et choc. Le tout se lit très bien, c’est très divertissant, bien pensé, bien réalisé, intelligent et violent.
Le coté gore, viscérale est assez poussé, et n’est pas adapté à tous les publics.
Si on rajoute à ça un Juan Jose Ryp au sommet de sa forme, plus lisible, mais qui conserve son trait si particulier, on a là un excellent comic qui doit figurer dans toutes les bibliothèques dignes de ce nom.
J’adore ce genre de comic, qui en unique volume arrive à faire passer tant de chose. Une réussite.
Vivement la suite des œuvres de ce duo.
Et vous qu’en avez-vous pensé? Meilleur que Black Summer? Trouvez-vous aussi que Ryp s’est amélioré?
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