
La Zone du dehors d’Alain Damasio
Une critique de Torospatillo
Cette critique de roman est effectuée par Torospatillo qui s’est gentillement livré à cet exercice pour Fant’Asie. Je le remercie grandement, entre autres parce que sa critique est très intéressante.
Vous pouvez le suivre sur Twitter
Je vous laisse découvrir son article et nous dire ce que vous en avez pensé
Un premier roman que beaucoup liront après la Horde du Contrevent.
La Zone du dehors est le premier roman de Alain DAMASIO, il a été récompensé du prix du Roman européen Utopiales 2007,
Je l’ai lu et découvert après avoir voyagé avec la Horde du Contrevent.
Je pense que beaucoup de lecteurs passeront par ce même chemin tant le bouche à oreille autour de la Horde est important (et non sans raison), et qu’après la lecture de cet épique voyage beaucoup voudront à nouveau gouter à la prose de M. DAMASIO.
Toutefois, l’ouvrage dont il est question ici pourra, à n’en point douter, non décevoir mais en décontenancer certains tant les deux ouvrages, bien que semblables sur la forme, sont radicalement différents quant aux sujets abordés.
Ici pas de fioritures : pas de signes cabalistiques pour identifier les différents protagonistes, pas de numérotation inversée….
Dans la Horde le but recherché (le découverte de l’extrême amont) bien qu’étant le leitmotiv des protagonistes n’importait pas tant que le liant qui unissait les protagonistes tout au fil du roman.
Dans le cas de la Zone du Dehors, il m’a semblé au contraire que le but recherché, la « Volution » , doit être atteint par tous moyens…
Résumé de la Zone du Dehors
Orwell est loin désormais peut-on lire sur la 4ème de couverture…
Nous sommes en 2084, sur Cerclon une ville crée sur un satellite de Saturne suite aux nombreuses guerres qui ont ravagé la Terre.
Dans cette Citée Etat tout le monde à sa place et sa fonction, celles-ci sont données tous les 3 ans par le « Clastre ».
Le Clastre est une sorte de grand examen auquel se soumet tout citoyen de Cerclon, chacun devant répondre à différentes questions et surtout chacun étant noté par ses proches, employés, employeurs voisins…
De cet examen va résulter le rang de l’individu dans l’échelle sociale de la société ainsi que son nom.
La personne ayant obtenue la « meilleur note » se nommera « A » et sera le président de Cerclon, le second « B » et ainsi de suite, viennent ensuite les noms de « AA » à « ZZ », etc….
Et oui, dans Cerclon, tous les 3 ans on change de nom (sauf à demander une dispense) mais pas seulement puisque de ce nom résulte un rôle social, un emploi, ainsi le président quel qu’il soit sera toujours nommé « A », de même pour la madame pipi de la gare sera toujours nommée un truc du genre « UCJGFS » (ce n’est qu’un exemple).
Ainsi chaque personne a sa place dans cette société et il est précisé dans le roman que même la personne la moins bien classée a une vie toute à fait confortable… Utopique n’est-ce pas ?
Sauf que de ce système résulte une surveillance constante aussi bien des forces de l’ordre que de tout un chacun…
Le sport à la mode sur Cerclon : la délation, l’espionnage… Si dénoncer votre voisin peut vous faire gagner quelque place lors du prochain Clastre pourquoi ne pas s’y adonner…
Et c’est contre ce système que la Volte, groupe révolutionnaire anarchiste qui prône la liberté inconditionnelle va se hisser tout au long de ce roman contre ce système politique, contre cet « état d’esprit citoyen », contre les médias, les multinationales, les nouvelles technologies intrusives du corps humain…
Et cette lutte se ferra par tous moyens…
Pour les Voltés il est temps d’agir, d’avoir recours à la force, finis les beaux discours, place à l’action…
Lutte armée et revendicative
Sur la forme le style d’Alain DAMASIO est, à mon goût, toujours aussi brillant et « vif »… Et oui comme dit précédemment je l’ai lu après la Horde…
Évidemment, on aime ou on déteste ce genre d’écriture : des phrases très longues, hachées, découpées, mais tellement bien tournées…. et une utilisation des mots toujours aussi particulière : invention, réappropriation… Bref, moi j’adore…
Comme dans la Horde, M. DAMASIO fait intervenir directement les différents protagonistes de l’histoire, chacun ayant son propre phrasé et son propre vocabulaire, toutefois, si cet effet de style est bien présent, il l’est beaucoup moins que dans la « Horde » et l’histoire est principalement comptée par Captp le protagoniste de l’histoire (nom bizarre, je vous l’accorde, mais justifié par le Clastre…).
Pour mémoire, on notera la fulgurance et le vocabulaire tout plein de poésie du Slift, les amateurs du Got de la Horde seront apprécier…
L’histoire est bien menée, mêlant et alternant savamment appréhension du microcosme de Cerclon et rencontre avec les divers protagonistes de l’histoire…
Chaque personnage à son vécu, son passé, des motivations propres que ce soit du coté des Voltés ou du gouvernement…
Les scènes d’actions sont rythmées et agréables à lire et les intrigues politiques se succèdent aux même rythmes que l’on apprend à découvrir les différents protagonistes de cette lutte armée.
Toutefois par moment j’ai pu trouver l’ouvrage un peu trop didactique notamment durant les quelques démonstrations de philosophie saupoudrant l’ouvrage.
La circonstance que Captp soit professeur de philosophie permet évidemment de donner une certaine cohérence à la présence de ces dernières, mais j’ai toutefois trouvé que ces partages avaient tendance à tourner à la démonstration…
Malgré tout j’ai une habitude qui consiste quand je lis un livre de corner le bas des pages quand une phrase ou un paragraphe m’a particulièrement plu, bouleversé ou laissé à réfléchir, et je peux vous dire que mon livre est tout corné : généralement c’est bon signe !
Le fond, la forme et le but poursuivi
Durant ma lecture, une question m’est souvent revenue à l’esprit : pourquoi cette lutte ?
La fin justifie-t-elle les moyens ? Pour les Voltés cela ne fait aucun doute, pour moi la question reste en suspend….
Je m’explique, il faut savoir que finalement une personne en marge de ce système qui vivrait de la façon dont il le souhaite ne risquerai presque rien, en effet, toute sanction (sauf crime grave) serait un mauvais classement lors du Clastre… Alors à quoi bon lutter ?
Vers la fin du roman Captp se pose également la question pour finalement retourner à la lutte, car chez lui, comme chez DAMASIO, la lutte est viscérale !
Je conseille cette lecture, même si je conçois tout à fait que les différents sujets abordés peuvent en rebuter plus d’un…
Seul regret ! La note de fin d’ouvrage qui recentre le sujet du roman dans notre société actuelle…
Était-ce vraiment nécessaire, le roman ne suffisait-il pas à lui même ?
Toutefois, il ne faut pas oublier qu’il s’agit du premier roman de Monsieur DAMASIO, et qui même après la Horde que je considère comme un véritable chef d’œuvre, ne pas déçu mais simplement captivé et déstabilisé… Et je pense que c’était le but recherché…
Le Monsieur est actuellement sur le scénario d’un jeux vidéo, a sorti une nouvelle, et prépare son nouveau roman…
Même si j’espère que ses prochains écrits seront moins politisés que cette Zone du Dehors, je n’ai qu’une hâte… Me replonger dans les écrits du Sieur DAMASIO… Et mettre la main sur une manette et arpenter le monde qu’il aura créé…
Et vous qu’en avez vous pensé ? L’avez vous apprécié en tant que lecture de SF classique ou pour sa connotation contestataire, ou au contraire ce roman vous a-t-il dérangé pour ces raisons, et surtout l’avez vous lu avant ou après la Horde du Contrevent…
Un grand merci à Kameyoko pour abriter ma critique…