
La Nef des Fous de Richard Paul Russo
Religion et Science-Fiction…
Ma critique du jour va porter sur le roman La Nef des Fous (Ship of Fools) de Richard Paul Russo. Publié outre-atlantique en 2001, il est apparu sur les rayons des libraires français en 2006.A noter que lors de sa sortie, ce roman a obtenu le prix Philip K. Dick. Alors pourquoi ce choix de lecture? Et bien, tout simplement à cause de sa couverture… Ce livre m’était proposé sur ma page d’accueil d’un très grand libraire en ligne, les notes étaient bonnes, et surtout cette couverture… Un vaisseau spatial sur la longueur duquel un vitrail en forme de croix s’étend, une promesse de space-opéra et de religion ! Original ! Ce que je ne savais pas lors de mon achat, c’est que cet ouvrage est également une ré-interprétation d’un tableau de Jérôme Bosch (XVème siècle), la Nef des Fous, exposé actuellement au Musée du Louvre ; j’y reviendrai plus tard.
Résumé de la Nef des Fous chez Pocket.
L’Argonos est un immense vaisseau qui abrite des milliers d’êtres humains depuis des générations. Tous ont oublié depuis longtemps le but de leur voyage. Bartolomeo Aguilera, handicapé, enferré dans un exosquelette, mais doté d’une intelligence hors du commun, est le conseiller du capitaine. Il sera ses yeux au sein de l’équipe d’exploration d‘Antioche, une planète qui émet une transmission probablement humaine. Une colonie? Sans doute. Mais ils sont tous morts, massacrés avec barbarie. Que s’est-il passé sur Antioche ? Pourquoi une telle atrocité ? Et surtout, commise par qui?
Un double degré de lecture…
On se retrouve ici, malgré certains artifices, devant un ouvrage de science-fiction relativement classique. En effet, un vaisseau spatial coupé du reste de l’humanité, véritable vaisseau monde, errant sans mission connue dans les confins de l’univers, se trouve confronté à des évènements étranges : une planète isolée dans laquelle un charnier est découvert, un vaisseau spatial certainement d’origine extraterrestre abandonné qu’il convient d’explorer…Dans ce vaisseau, on retrouve un véritable microcosme social; des classes “inférieures”, constituées notamment des mécanos, ouvriers et des personnes en charges de la manutention, au dessus, l’équipage du vaisseau mais également l’église… Évidemment des tensions existent entre ces différentes castes… Comme j’ai déjà pu l’écrire, la trame de base est relativement classique, exploration d’une planète d’où une colonie humaine a mystérieusement disparue ; exploration d’un vaisseau extraterrestre… Nombreux morts dans l’équipage, pourquoi certaines personnes semblent tomber dans la folie? On pensera à Alien le huitième passager, ou autre Event Horizon…
L’originalité du roman, se trouvera plutôt dans l’omniprésence du pouvoir de l’église au sein de l’Argonos ; et l’interprétation ou les conséquences théologiques proposées pour les différents évènements rencontrés.
La lecture est agréable, les personnages bien travaillés, et on rentre facilement dans le roman… De plus, on est toujours tenu en haleine par le récit…
On cherche ainsi à connaître les origines de l’Argonos, notamment dû au fait que la cathédrale semble intégrée au vaisseau lui même, sa mission oubliée depuis des milliers d’années, qu’est-il advenu du reste de l’humanité et de la Terre… Puis on cherche à comprendre ce qui a pu se passer sur la planète Antioche, et quels horribles secrets se cachent à l’intérieur du vaisseau extraterrestre à la dérive… On s’interroge enfin sur le rôle de l’Église dans cette aventure cosmique…
Mais, c’est là le problème de cette lecture, aucune réponse ne nous est jamais apportée… Alors certains aiment les fins ouvertes, ce que je peux tout à fait comprendre… Mais attention, ici ce n’est pas seulement la fin qui est sans réponse, mais l’intégralité du roman… Tant de questions soulevées pour une absence totale de réponse, s’en est trop pour moi ; et je sort de cette lecture frustré…
Mais finalement l’intérêt de ce roman ne se trouve peu être pas dans son histoire, mais dans l’exercice de style qu’il représente : réinterpréter à la sauce space-opéra un tableau du 15ème siècle… Dans ce cas, le roman est une parfaite réussite, tant tous les éléments du tableau de Bosh sont pris en compte!
En effet, on retrouve tout au long du roman les différents thèmes abordés sur la toile du peintre flamant, à savoir une lutte des classes oppressante et un climat social à la limite de l’implosion, la présence d’une menace invisible, une église corrompue, le vice et la folie…
Dans ce sens, ce roman est une totale réussite – une superbe ré-interprétation de la toile de Bosch, un exercice de style complètement maîtrisé et original de surcroît!
Pour conclure, je dirai que je suis frustré par l’absence de réponses apportées à l’intrigue qui était pourtant si originale et riche, mais agréablement surpris par l’exercice de style maîtrisé que ce roman constitue… Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une lecture particulière qui ne plaira pas à tout le monde…
Avez-vous lu ce roman en connaissance de cause de son caractère de ré interprétation de l’oeuvre de Bosch, ou en simple lecture de SF? Avez-vous été frustré par cette lecture?