
- Scénario
- Graphisme
Kid Eternity de Grant Morrison et Duncan Fegredo
La créativité des 90’s
Kid Eternity est une réédition d’une oeuvre du début des années 90, bien révélatrice d’une période. Une période où DC a missionné ses artistes prometteurs pour remettre sur le devant de la scène quelques vieux personnages de leur catalogue comme par exemple le Sandman de Neil Gaiman. C’est ainsi que le jeune Grant Morrison s’est retrouvé à remettre au goût du jour Kid Eternity. Avec une certaine dose de liberté, il va proposer une adaptation sombre et adulte.
Mais que vaut ce titre ? Chef d’oeuvre ? Casse-tête compliqué et élitiste ?
Kid Eternity de Grant Morrison et Duncan Fegredo est édité par Urban Comics et est disponible à la vente depuis le 21 août 2015.
Résumé de Kid Eternity chez Urban Comics
Résumé de l’éditeur :
Humoriste en difficulté, Jerry Sullivan broie du noir. Il s’est déjà fait à l’idée de la mort, et va bientôt en apprendre bien plus sur elle qu’il ne l’aurait souhaité. Rescapé d’un terrible accident de voiture, Jerry va faire la connaissance d’un étrange personnage appelé Kid, récemment échappé des Enfers et en route pour une mission d’importance cosmique que lui aurait confié les forces du Paradis eux-mêmes. Mais pour mener à bien sa mission, Kid aura besoin de Jerry pour libérer quelques-unes des figures les plus emblématiques de l’Histoire. Contient: Kid Eternity TPB
Du Grant Morrison en roue libre
En 1991, DC Comics a voulu remettre sur le devant de la scène un vieux personnage, datant de 1942, un peu méconnu de son catalogue : Kid Eternity. Pour cela, elle donne carte blanche à, l’encore peu connu, Grant Morrison. Et ce dernier s’nen donne à coeur joie en proposant une vision plus mature et glauque de Kid Eternity en allant un peu dans l’horreur. Mais c’est surtout au niveau de la narration où l’écossais laissera libre court à son imagination.
Morrison réutilise donc plus ou moins l’univers de Kid Eternity mais en le remixant à sa sauce. Le premier point important et qu’au final Kid Eternity n’est presque pas le héros, puisqu’on suit les pas de Jerry, ce comique raté, embrigadé dans cette aventure. Il ne va pas comprendre grand chose, dans un premier temps à ce qui se passe (un peu comme le lecteur). Puis, tout va commencer à s’éclaircir au fur et à mesure qu’il bascule dans l’horreur avec des « monstres » qui tuent à tour de bras. Mais clairement ce Jerry est un faire-valoir tant son apport est limité. Il sert juste de point d’ancrage au Kid Eternity et sert un peu aussi de bouée de sauvetage à laquelle se raccrorcher pour le lecteur. Il se posera les mêmes questions que nous.
J’ai été un peu déçu par le Kid. je m’attendais à ce qu’il fasse usage de ses pouvoirs intéressants : faire appel à des héros mythiques ou historiques. Mais le scénariste n’en fait pas son cheval de bataille et ne l’exploite pas trop. Il préfère se focaliser sur une vision plus horrifique, magique et torturé du personnage. Pour ça il va nous entraîner en Enfer et nous faire rencontrer quelques personnages nés de nos pires cauchemars.
La narration est vraiment digne de Grant Morrison. Ce dernier nous propose un puzzle que le lecteur doit reconstituer au fur et à mesure. Dans une première partie du récit, il joue sur des évènements parallèles mais pas toujours avec la même temporalité. Il est difficile de rentrer dedans au départ, tant on ne voit pas où il veut nous emmener. Ce qui joue sur l’accessibilité du comic. Il n’est pas grand public et se montre difficile à appréhender. Surtout qu’il y a un esprit tellement ancré dans le comic des années 90, avec un côté dark et sordide. Pour parfaire le tableau, le scénariste y mêle des thématiques religieuses, mystiques, métaphysiques, saupoudrées de références littéraires et musicales. Un méli-mélo dense, recherché, avec un côté presque sous acides. Bref ça fourmille d’idées et de concepts mais ça peut perdre le lecteur. Grant Morrison impose donc une lecture attentive, exigeante où le cerveau du lecteur devra être bien éveillé.
Et pour rajouter au côté créatif, un poil élitiste, voir même un peu prétentieux, on peut aussi parler du travail de Duncan Fegredo. Ce dernier donne un effet peinture qui renforce la sensation glauque et horrifique du titre. Surtout qu’il a un découpage efficace et propose, parfois, des compositions créatives et impactantes. Son style diffère vraiment des artistes de l’époque et renforce l’aspect fantasmagorique du tout. Mais derrière, il y a un sentiment de confusion dans la composition et le lecteur peut avoir du mal à s’y retrouver. Autant on sent la force créative derrière, autant on perd en limpidité.
Pour conclure, Kid Eternity de Grant Morrison et Duncan Fegredo est une aventure hypnotique, bourrée de créativité mais exigeante et élitiste. Je ne peux que reconnaître que cette oeuvre est un concentré de talent, notamment grâce à la narration de Grant Morrison, mais j’avoue être un peu passé à côté de ce comic. Je n’ai pas réussi à rentrer pleinement dedans. Pourtant j’aime la vision glauque, la façon dont le scénario est construit, mais je n’ai pas réussi à m’accrocher aux personnages et de voir l’intérêt du personnage Kid Eternity. J’ai presque eu l’impression qu’il s’agissait d’un exercice de style fait pour faire plaisir aux auteurs.
Donc je ne sais pas trop quoi penser de ce titre que j’ai beaucoup aimé et que je trouve vraiment bon, mais en même temps, et paradoxalement, difficilement compréhensible et trop prétentieux.
Dans tous les cas, c’est une lecture que je conseille ne serait-ce que pour se faire une idée de la période « dark » du début des années 90 et la reconstruction du comic super-héroïque.
Et vous qu’en avez-vous pensé ? me rejoignez-vous quand je parle de comic un peu élitiste ?
Graphiquement très prenant et parfaitement rétro, façon 90’s, mais l’histoire ne nous mène nulle part et ce qui commençait par un rêve éveillé, effréné et farfelu se prolonge, s’essouffler et nous perd en cours de route.