
- Scénario
- Graphisme
Kamakura Diary – tome 1 de Akimi Yoshida
Un manga tranche de vie attachant
Kamakura Diary (Umimachi Diary en VO) arrive en France chez Kana, dans leur collection shôjô, bien que techniquement il s’agisse d’un josei.
Par définition, il s’agit donc d’un titre, au propos mâture, qui s’adresse essentiellement aux femmes « adultes ». Mais bien heureusement, n’importe qui peut le lire. Car ce manga est excellent.
Il serait dommage de passer à coté juste à cause de son « étiquetage ».
Kamakura Diary – tome 1 de Akimi Yoshida est édité par Kana et est disponible à la vente depuis le 19 avril 2013.
Résumé de Kamakura Diary chez Kana
Résumé de l’éditeur :
Quand Yoshino, la deuxième fille d’une famille de trois soeurs, reçoit l’annonce de la mort de son père, elle est en train de se réveiller dans la chambre d’un garçon… Le décès de ce père, qu’elle n’a plus vu depuis longtemps, à la suite du divorce de ses parents, ne l’émeut pas beaucoup… Pourtant, cette nouvelle pourraient bien changer leur vie !
Josei? Shôjô ?
Kamakura Diary fait parti d’un genre qui ne marche pas toujours en France : le josei. Soit l’équivalent féminin du seinen. Mais ça reste un genre un peu méconnu, ce qui explique que Kana l’ait mis dans sa collection shôjô.
Ce titre arrive auréolé d’une belle réputation, puisqu’il a remporté quelques récompenses prestigieuses comme le Taishô Manga Awards 2013 (devant l’excellent Bride Stories) par exemple.
Kamakura Diary nous raconte l’histoire de 3 sœurs vivant ensemble dans la superbe ville de Kamakura (là où il y a le grand Bouddha). Elles vont apprendre la mort de leur père, qu’elles n’ont pas vu depuis 15 ans. Même si cela ne les chagrine guère, il va falloir qu’elles se rendent aux obsèques à Yamagata.
En plus de questions d’héritage, elles vont aussi découvrir qu’elles ont une demi-sœur : Suzu. Cette dernière n’ayant plus de parents en vie va venir rejoindre ses soeurs et changer sa vie et la leur.
L’introduction de ce josei est particulièrement maline et bien réalisée. Rapidement on apprend le décès du père. Ce qui permet de mettre en place le contexte familial à savoir trois sœurs dont le père les a abandonnées il y a 15 pour refaire sa vie avec une autre femme. Femme, qui est décédée entre-temps, laissant le loisir au père de retrouver une épouse. Ce qui explique pourquoi les sœurs ne semblent pas particulièrement atteintes par cette disparition. Même si le deuil, l’absence d’un père et le retour de souvenirs plus ou moins douloureux sont au cœur du thème de cette introduction, l’histoire ne bascule pas dans le pathos. Cela doit être porté au crédit de la maîtrise narrative d’Akimi Yoshida qui ne cherche pas à verser dans le larmoyant. Elle se sert simplement de cet événement pour accélérer les choses et introduire le contexte et les personnages. Surtout que, malgré la gravité de la situation, elle contre-balance cela avec, d’une part, de l’humour, mais aussi par la justesse des sentiments. Au final, il s’en dégage quelque chose de plus positif qui tourne autour des liens familiaux et des relations entre sœurs.
Rapidement les trois sœurs sont introduites et ont déjà une personnalité bien définie. Ainsi Sachi, l’aînée, est la plus responsable, une sorte de mère de substitution, franche, parfois sévère mais toujours réfléchie.
Yoshino, elle, apparaît plus insouciante, entre ses écarts sur sa boisson, sa vie sentimentale décousue et un certain coté superficiel. Mais plus on avance, plus elle va se révéler profonde et intéressante.
La dernière, Chika est aussi garçon manqué que Yoshino est féminine. C’est aussi la plus cool et la plus drôle des trois. Elle est très naturelle et d’un abord sympathique.
Pour Suzu, la demi sœur, nous apprendrons à la connaitre à partir de la seconde partie du manga. Mais au premier abord, elle nous est décrite comme une fille un peu sombre et drôlement mâture. Mais finalement, petit à petit, le masque de cette maturité forcée va se fissurer pour laisser apparaître l’enfant qu’elle est. De fait, elle se révèle vite attachante de par sa fragilité et sensibilité mais aussi pour les relations naissantes qu’elle noue avec ses sœurs. Ce mélange maturité et sentiments à fleur de peau est vraiment intéressant et aide à donner une aura de sympathie pour ce personnage.
Cela se confirmera par une troisième partie plus dure, qui va apporter des aspects plus tristes d’une existence. Mais là encore sans tomber dans le pathos. Ce n’est jamais totalement triste ni avec une atmosphère lourde. La mangaka arrive habillement à faire évoluer ses personnages pour ne pas tomber dans ce travers, mais tout en gardant un vent de fraîcheur, qui allège un peu certains passages peu joyeux. En effet, dans le dernier tiers de ce premier tome de Kamakura Diary, il sera question de déception amoureuse, de maladie et de questionnements sur ces petits ou grands malheurs de la vie.
La narration est loin d’être monotone car Akimi Yoshida a un talent indéniable pour décrire les sentiments et les événements du quotidien sans ennuyer, sans tomber dans le larmoyant. Elle sait insuffler de la justesse, mais aussi de la fraîcheur rendant la lecture terriblement addictive.
Même si l’on peine à dégager un fil rouge ou deviner de quoi la suite sera faite, on ne peut qu’être émerveillé par les liens se construisant entre ces sœurs et la dernière venue.
Pour moi Kamakura Diary est vraiment une excellente surprise. Je ne pensais pas que ça pouvait me plaire. Mais j’ai beaucoup aimé la façon dont à l’artiste a de raconter les événements de la vie, ces aléas joyeux ou tristes qui rythment une existence. Surtout que tout est raconté avec une certaine retenue, une certaine bienveillance à l’égard des personnages et des situations. Il est difficile de décrire les aléas de la vie de façon réaliste et simple, tout en enchantant le lecteur. C’est ce que réussi ce Kamakura Diary, notamment par le biais de ces personnages, essentiellement féminins, très attachants et adorables. J’attend la suite avec beaucoup d’impatience pour retrouver cette famille et voir quels liens vont se tisser.
Et puis j’espère bien que la ville de Kamakura va aussi se dévoiler un plus. Car ayant eu l’occasion de me rendre dans cette ville, jouer au touriste, prendre les classiques photos avec le Bouddha géant ou visiter les nombreux superbes temples, j’ai envie de retrouver certains lieux connus.
Graphiquement, le trait de Akimi Yoshida peut surprendre dans un premier temps. En effet, les silhouettes des personnages ne sont pas toujours bien dessinées. De prime abord, cela peut paraître un peu froid et simple. Mais en réalité, en tournant les pages, on se rend compte que les planches sont bien fournies, dynamiques mais surtout que les personnages sont extrêmement expressifs, reflétant bien les sentiments de chacun. En refermant le livre, on se dit que ce style, qui sort un peu des sentiers battus, sied très bien à ce josei, en lui conférant un charme subjuguant.
Pour conclure, Kamakura Diary – tome 1 de Akimi Yoshida est un très bon josei, étonnant à lire. C’est un titre difficile à vendre, car il n’y a pas une idée de base exceptionnelle, pas un style graphique qui marquera le manga, pas de truc fantastique qui nous emporte dans l’imaginaire de l’auteur. Et pourtant, ce titre passionne, car la mangaka parvient, avec beaucoup de justesse à raconter le quotidien de cette famille complexe, mais à la fois simple. Kamakura Diary a une personnalité qui transpire de toutes les cases. Ce mélange entre humour et sérieux, gravité et légèreté, engueulades et réconforts marche terriblement bien, le tout avec beaucoup de sobriété et de simplicité.
Une belle réussite qui vaut le coup d’œil. Même si c’est un josei, le lectorat masculin pourra y trouver son compte.
Et vous qu’avez-vous pensé de ce shôjô/ josei ? Mérite-t-il tous ces prix (Taishô Award, Prix d’excellence au Japan Media Arts Festival, nomination au prix Tezuka …) ?
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