
- Scénario
- Graphisme
Deadly Class – tome 1 de Rick Remender et Craig Wes
Une école de meurtres
Urban Comics nous propose un nouveau titre pour venir grossir sa collection Urban Indies. Il s’agit d’un nouveau titre d’Image Comics en la personne de Deadly Class.
Le synopsis est très prometteur, mais ce qui m’intrigue surtout c’est que c’est l’oeuvre de Rick Remender. Un scénariste que j’apprécie beaucoup et très talentueux.
Mais est-ce que ça suffit à faire de ce Deadly Class un bon comic ?
Deadly Class – tome 1 de Rick Remender et Craig Wes est édité par Urban Comics et est disponible à la vente depuis le 25 septembre 2015.
Résumé de Deadly Class 1 chez Urban Comics
Résumé de l’éditeur :
1987, San Francisco. Marcus Lopez, fils d’immigrés nicaraguayens et SDF depuis plusieurs années, peine à trouver un sens à sa vie. Alors qu’il pense sérieusement à mettre fin de ses jours, il fait la rencontre de Saya, une mystérieuse jeune fille qui va lui ouvrir les portes de l’Académie Kings Dominion des Arts Létaux. Il découvre alors l’existence d’une école où l’on enseigne aux héritiers de l’élite financière à ériger le meurtre au rang d’art. Marcus a désormais un but dans la vie, il va tuer celui qu’il considère responsable de la mort de ses parents : Ronald Reagan.
Contient : Deadly Class #1-6
De SDF à assassin : le parcours de Marcus
Deadly Class est l’une des dernières œuvres du très talentueux Rick Remender, à qui l’on doit déjà Fear Agent, Black Science, Last Day of American Crime, Uncanny Avengers et bientôt Tokyo Ghost.
Dans la préface, on comprend bien à quel point ce projet lui tenait à coeur et surtout qu’on aurait à faire à une métaphore, à peine voilée, de sa vie de lycéen et plus généralement du fonctionnement des lycées aux Etats-Unis. On pourrait même qualifier ce comic de métaphore autobiographique, mais fantasmée et romancée.
L’histoire est celle du jeune Marcus Lopez, jeune SDF, qui a perdu ses parents dans un tragique accident. Sa vie n’est que survie, souffrance et isolement. Il est sur le point d’en finir quand une jeune fille va lui permettre de rejoindre l’Académie King Dominion des Arts Létaux. Cet établissement est très particulier puisque les élèves sont formés au meurtre. Mais, qui dit lycée dit surtout lycéens et tous mes comportements d’insertion qui vont avec.
Ce Deadly Class est un comic qui explore plein de pistes et de thèmes. Les premiers sont les plus visibles et tournent autour de « l’enfer du lycée » et des marginaux. Ainsi cette école a ses élèves populaires, ses groupes « affinitaires », ses règles et ses marginaux. Il est donc beaucoup question d’intégration et de réputation, comme tout lycée. Ainsi Marcus est précédé par sa réputation, et doit jongler avec les différents « clans » en place. Sauf que lui va se diriger vers les marginaux, ceux qui ne se plient pas aux règles sociales.
Sous cette thématique et cet amour des laissés pour compte, on sent une projection de la vie lycéenne de l’auteur. Il y a donc une critique assez évidente du système scolaire et des « jeux » de pouvoir qui en découle, ainsi que des impacts pour ceux qui ne rentrent pas dans les cases. Le message est donc très fort et il est sublimé par l’objet des études de ce lycée. Forcément quand on apprend à tuer, tout cela devient encore plus palpitant à suivre. Mais bizarrement, Rick Remender ne appesantit pas trop sur le contenu des cours et sur l’enseignement de l’assassinat. Il y a bien quelques cours, mais ce n’est le Poudlard du crime.
Le scénariste s’appuie beaucoup sur son sens du dialogue et le poids des mots pour mettre en forme sa critique.
Mais pour que cela marche, il est indispensable d’avoir une galerie de personnages bien caractérisés. Ils sont tous intrigants, un peu barrés et souvent à la dérive ou du moins en marge de la société. En premier lieu, il y a Marcus qui fascine. On sent qu’il a un très lourd passé notamment sur ce qui s’est passé à l’orphélinat ou encore par rapport à ses blessures. J’espère qu’on en saura plus dans le tome 2. Mais tous les autres personnages valent également le détour, même s’ils appartiennent un peu trop à une catégorie : gang, yakuzas, punk…
Pour ce qui est de l’histoire, un fil rouge léger se dégage mais on suit surtout les premiers pas de Marcus dans ce nouvel environnement, avec quelques virées sanglantes ou sous LSD. Mais on sent qu’il y a matière à plus de développement par la suite. Certaines scènes matérialisant la dérive de cette génération sont dures et impactantes. Par exemple, on ne sait jamais si Marcus est un personnage dramatique, marqué par le sceau du destin ou un psychopathe. Et cette ambiguité est intéressante et bien entretenue par l’auteur.
En revanche, le tout manque un peu d’enjeux et d’ambition, notamment au niveaux de rebondissements un peu maigres. On sent que la priorité de Remender était de poser son récit, son personnage et mettre en avant sa critique acerbe du lycée. Espérons que l’histoire soit plus mise en avant par la suite.
Graphiquement, le travail de Craig Wes concorde très bien avec le récit et fait merveille. Tout d’abord il donne bien vie aux 80’s. Ensuite, il a trait un peu brut, avec des personnages à la silhouette presque longiligne. Il confère ainsi à ses personnages de la dureté mais en même temps une certaine fragilité, renforçant l’impression de jeunes paumés jouant les caïds, mais finalement plein de faiblesses.
Mais surtout l’artiste canadien fait preuve de beaucoup de créativité dans son découpage et ses compositions. Il parvient à bien mettre en case les scènes d’action, de course-poursuite, de trips sous drogue ou tout simplement les questionnements des personnages. C’est diablement efficace ! Mais surtout, il semble vouloir se renouveler sans cesse, ne proposant jamais réellement la même chose.
Pour conclure, ce Deadly Class – tome 1 de Rick Remender et Craig Wes est une bonne surprise, avec un vrai propos derrière ce divertissement. La chronique des années lycée est évidemment très présente, mais le talentueux scénariste n’en oublie pas pour autant d’ajouter des réflexions intéressantes sur la marginalisation, les interactions au lycée… Tout en créant une galerie de personnages intéressants et charismatiques.
On sent que l’histoire en a sous le pied tant les éléments de développement sont nombreux. Mais l’histoire manque encore d’impact et d’intensité. Les enjeux manquent pour le moment.
Il n’en demeure pas mois que c’est une réussite car le lecteur ne peut que avoir envie de lire la suite et voir l’évolution de Marcus. Surtout que Craig Wes réalise un travail de bonne facture au dessin.
Et vous qu’avez-vous pensé de ce comic ? Trouvez-vous aussi la plume de Remender intéressante et percutante ?
San Francisco, 1987. Marcus n’était pas un garçon plus mauvais qu’un autre, à la base ; mais la mort de ses parents, la violence de l’orphelinat, la rue et bien d’autres épreuves de la vie ont fait de lui une bête enragée fort dangereuse.