
- Scénario
- Graphisme
Butcher Baker : le redresseur de torts de Joe Casey et Mike Huddleston
Un bon gros trip des auteurs !
Butcher Baker : le redresseur de torts (Butcher Baker, the Righteous Maker en VO) s’était distingué en fin 2010 par ses teasers un brin racoleurs, concoctés par Image Comics. On sentait une volonté de mettre en avant les aspects sexe et violence pour un comic qui s’annonçait très borderline.
Mais est-ce réellement le cas ?
Butcher Baker : le redresseur de torts de Joe Casey et Mike Huddleston est édité par Ankama Editions et est disponible à la vente depuis le 11 octobre 2012.
Résumé de Butcher Baker : le redresseur de torts chez Ankama
Résumé de l’éditeur :
Il fut un temps où Butcher Baker était le plus grand de tous les super-héros. De parties fines en orgies perpétuelles, il coule aujourd’hui des jours paisibles le cigare au bec et l’alcool à portée de main. Mais une ultime mission pourrait signer son retour en pleine gloire. Les commanditaires ? L’inusable Dick Cheney et Jay Leno, l’animateur télé. Objectif : faire sauter la « cage aux dingues », une prison de très haute sécurité où sont enfermés tous les super-vilains arrêtés par Butcher. Au volant de Liberty Belle, énorme camion hanté par l’esprit de sa femme décédée, Butcher Baker reprend donc du service, mais l’opération tourne mal et certains prisonniers s’échappent. Ils n’ont désormais plus qu’une obsession : se venger de Butcher…
Quand deux artistes se lâchent…
Butcher Baker est probablement un kiffe des deux artistes, qui ont voulu se faire plaisir en nous pondant un comic barré, un OVNI du neuvième art, qui doit être lu en le sachant. Car avec ce genre d’oeuvre si personnelle, il est très aisé de passer à coté, juste parce qu’on ne sait pas préparé à ce genre de lecture.
Ce comic part sur une base assez classique à savoir celle d’un vieux super-héros, qu’on rappelle pour une ultime mission, qui tourne un peu mal. En l’occurence, ici, on demande au Redresseur de torts : Butcher Baker, de détruire une prison (avec ses détenus). Mais, malheureusement, certains méchants en réchappent et se font la malle. Ils sont bien décidés à avoir leur revanche. Et pour le corser le tout, Butcher Baker va se mettre à dos un shérif bien décidé lui aussi à le retrouver.
En l’espace de 8 numéros, qui n’appellent pas forcément de suite, Joe Casey construit un récit, qui ne surprend pas, mais qui se lit bien, grâce à une certaine fluidité et des personnages barrés.
En premier lieu, il y a bien sûr Butcher Baker, vieux super-héros baraqué, désabusé, avec son coeur mécanique, son franc-parler, sa moustache à la Magnum tendance Freddy Mercury et son mode de vie particulier. Entre orgies, parties de jambes en l’air et consommation de diverses substances plus ou moins illicites, ce « héros » n’a pas le comportement espéré. Ce mélange de virilité exacerbé, en pleine crise de la cinquantaine fonctionne bien. Butcher Baker est également indissociable de son gros camion, à l’effigie de la bannière étoilée : Liberty Bell. Le héros est assez intéressant et porte ce titre sur ces épaules. De plus, le scénariste parvient à ne pas sombrer dans le vulgaire, avec ces insultes qui fusent, et la provocation gratuite, au travers de courtes scènes de débauches. Ces phases là densifient le récit et donnent une vraie profondeur aux personnages.
Butcher Baker est accompagné pendant tout le récit par le shérif qui veut lui mettre la main dessus. Lui aussi est bien barré, avec son langage particulier, sa persévérance pour avoir sa vengeance. Aussi étrange que cela puisse paraître, ce dernier a une place particulière dans le récit et devient de plus en plus barré au fur et à mesure. Ce qui offre quelques passages sympathiques et presque fous.
On notera aussi l’un des méchants, Jihad Jones, sorte de gourou sous acide complètement ravagé.
Ces personnages sont un peu caricaturaux mais assez drôles. Ils sont déjantés et sont les protagonistes de passages assez drôles et WTF ! Leurs différents défauts, leur façon de parler, leurs excès rendent la lecture divertissante à défaut d’être totalement enthousiasmante. Car même si le ressenti est plutôt positif car ce trip sous acide est presque psychédélique, tout en étant distrayant, il n’est pas exempt de reproches.
Par exemple, les méchants évadés manquent cruellement d’intérêt et de développement (à part Jihad Jones). On ne s’y intéresse pas et n’ont que peu d’intérêt. Ensuite, le récit a tendance à traîner un peu notamment à la fin, qui manque un petit peu de punch. Butcher Baker pêche aussi par certains dialogues un peu lourds. Les propos sont souvent crus et c’est ce qui donne la personnalité au titre. Certes Joe Casey arrive à ne pas tomber dans le lourdingue et l’abus, mais en flirtant trop avec cette ligne, il lui arrive parfois de dépasser un tout petit peu. Ce qui a tendance à alourdir un peu le tout.
Mais le gros défaut du titre est en fait sa principale qualité : son ambiance, son délire scénaristique et graphique. Comme je le disais, pour apprécier l’oeuvre, il faut rentrer dans le délire, renforcé par la créativité de Mike Huddleston. Et pour être honnête, je ne suis pas rentré totalement dedans.
Graphiquement, Mike Huddleston se met au diapason du scénario avec un graphisme OVNI, mélangeant les genres, les techniques et les ambiances. Le travail créatif est tel, qu’on a l’impression que l’artiste s’essaie à divers styles et influences. Il joue avec les effets graphiques, les trames, les couleurs et l’encrage pour donner un résultat unique.
Ainsi il va proposer parfois un trait semi-réaliste, d’autres fois caricatural; des planches en noir et blanc magnifiées par des touches de couleur et d’autres fois des pages complètement colorées et flashy, ou encore remplies de trames.
Mais cette richesse graphique peut désarçonner par tant d’idées et tant d’influences. Il faut là aussi, il faut entrer dans le délire pour savourer pleinement le travail effectué. Car même s’il est indéniable que Mike Huddleston est un vrai artiste, dans mon cas, je n’ai pas su apprécier pleinement le graphisme, trop psychédélique pour moi.
Pour conclure, Butcher Baker : le redresseur de torts de Joe Casey et Mike Huddleston est une oeuvre à part, un véritable OVNI culturel, foisonnant d’idées et de délires. Mais ce délire, ce pétage de plombs créatif nécessite de rentrer dans le trip des auteurs, au risque de passer à coté. Parce que ce comic transpire de personnalité et de créativité. Mais il ne touchera pas tous les lecteurs, entre un scénario aux grands principes simples, dopé à l’extasy, mais qui mériterait, parfois, d’être plus digeste; et un graphisme personnel un peu trop avant-gardiste et punk.
Une expérience à découvrir car ce n’est pas un mauvais comic foncièrement, bien au contraire. Mais c’est le genre d’oeuvre dont on peut facilement passer à coté, tout en sachant qu’on loupe quelque chose, parce qu’il faut rentrer dans le trip. Ca a été mon cas. Je ne suis pas rentré dedans à 100%, et j’ai eu la sensation de rater un peu ma lecture, même si j’ai globalement apprécié.
Et vous qu’avez-vous pensé de ce titre ? Êtes-vous rentré dans le délire ? La prestation de Mike Huddleston vous a-t-elle convaincue ?