
Aucun souvenir assez solide de Alain Damasio.
Recueil de nouvelles.
Alain Damasio fait parti de ces rares auteurs qui ont su s’imposer dans le monde de la fantasy française, et ce seulement après deux ouvrages: son brûlot anarchiste La Zone du Dehors, et son roman fantastique La Horde du Contrevent.
Évidemment Alain Damasio n’a pas que des admirateurs et certains peuvent lui reprocher parfois une forme d’étalage de sa maîtrise de notre langue, mais personnellement j’adore son oeuvre et c’est avec joie que je me suis procuré Aucun souvenir assez solide que vient d’être publié par les éditions La Volte.
La Volte nous propose ainsi 10 nouvelles écrites par Damasio entre 2001 et 2012.
Si seulement deux d’entre elles sont inédites, le surplus n’avait été publié que dans diverses revues ou recueils au tirage généralement confidentiel, aussi c’est avec joie que j’accueille cette initiative de La Volte de regrouper ces différents textes.
L’ouvrage se conclu par une postface de Systar, intitulé Portrait de Damasio en aérophone.
Résumé de Aucun souvenir assez solide chez La Volte.
Alain Damasio nous invite à la rencontre de grands « vivants », c’est-à-dire de grands claustrophobes, amoureux de l’air et de l’Ouvert. Champions de toutes les aérations, celles de l’espace, du son, des mots, du collectif, et de ce fait totalement libres, entrés en un jeu d’échos fou avec les mouvements du monde, ils tracent et suivent leurs lignes de fuite, tel le surfeur qui n’existe et ne consiste que dans la furtivité.
« Si tu parviens à traverser l’avenue, tu trouveras ce souvenir d’elle que tu cherches. Dans ta mémoire, il reste un lieu où vous vous aimiez. Plonge. Rapporte un son, la couleur qu’elle hissait en toi, un instant à vous, une lèvre. Ce que tu peux. Extirpe cette pépite de ta boue de souffrance. Et repasse le sas avec. »
Premières lignes de la nouvelle « Aucun souvenir assez solide »
Dix nouvelles par l’auteur de La Zone du Dehors et La Horde du Contrevent.
Lecture exigeante.
Je vais tenter de vous résumer en quelques lignes l’ensemble des nouvelles proposées.
Les Hauts® Parleurs® : vivre dans un monde où les mots ont été brevetés. Lutter par la constitution d’un lexique propre. Damasio nous prouve encore qu’il est un magicien des mots, et que la lutte est viscérale chez lui.
Annah à travers la harpe : Descente métaphysique d’un père à la recherche de sa fille décédée. Critique de la surprotection des enfants, hymne à la vie libre. Touchant.
Le Bruit des Bagues : Univers SF pas très lointain, où la consommation est reine. Des individus décident de disparaître des réseaux, de devenir furtifs. Est-ce une introduction au futur roman de Damasio? En tous cas, le monde crée semble plausible et terrifiant, une grande réussite!
C@PTCH@ : les enfants sont séparés des adultes, pour les rejoindre il doivent traverser une zone où si le moindre capteur est déclenché, l’enfant se retrouve désintégré physiquement pour se retrouver sous une forme matérialisée dans le réseau. Et certains estiment qu’une vie meilleure les y attend. Pertubant.
So Phare away : Un monde étrange où la communication se fait par l’intermédiaire de phares. Les messages lumineux importants se retrouvent noyés dans la masse des messages publicitaires parasites.
Les Hybres : Un chasseur de créature étrange se retrouve piégé à son tour. Classique, mais magique.
El Levir et le livre : Un Scribe se voit dicté le texte de sa vie.
Sam va mieux : du post-apocalyptique troublant et très bien maîtrisé. Un homme solitaire suit une musique dans une ville en ruine. Poignant!
Une stupéfiante salve d’escarbilles de houille écarlate : course épique d’engins volants pour faire plaisir au Barf, se déroulant dans la ville d’Alticcio (la Horde du Contrevent). Nous suivons ces participants usant du mu dans une course où le plus vif l’emportera.
Aucun souvenir assez solide : nouvelle de deux pages seulement qui peuvent suffir à vous bouleverser.
Damasio à travers ces nouvelles nous livre différentes variations sur des thèmes qui lui sont chers : les sociétés de contrôle, les moyens de lutter contre de telles sociétés, et il s’attarde également sur les interactions entre les personnages, notamment à travers le prisme de l’influence des nouvelles technologies.
Une nouvelle fois Damasio nous prouve sa maîtrise de la langue française, il en joue admirablement bien, notamment dans les Les Hauts® Parleurs®.
Dans ses nouvelles “engagées” les niveaux de lectures sont multiples et forcent à la réflection. Toutefois, certains des univers en découlant sont clairement difficiles d’accès, et si ils servent des propos forts, les histoires en elles-mêmes ne m’ont pas passionnées.
Ses nouvelles “plus classiques” sont rafraîchissantes, et Damasio nous propose de beaux textes, tantôt touchants, tantôt épiques.
La postface de Systar tend à mettre en avant les différentes notions philosophiques dont s’inspire Damasio dans ses écrits. Il s’agit d’une lecture complexe et exigeante pour un néophyte en philosophie. Après, savoir si il est nécessaire d’expliquer une oeuvre pour l’apprécier est un autre débat.
Pour conclure, je retiendrai principalement de ce recueil les nouvelles suivantes : Les Hauts® Parleurs®, Les Hybres, Sam va mieux, Une stupéfiante salve d’escarbilles de houille écarlate, et Le Bruit des Bagues.
Les autres nouvelles, mêmes si elles m’ont réellement captivées par les idées qu’elles développent, m’ont moins convaincues en tant que récit à proprement parlé. Mais peut être est-ce aussi dû au format court des nouvelles.
Aucun souvenir assez solide est un recueil de textes riches mais dont l’accès est par moment difficile, il ne plaira clairement pas à tout le monde, mais personnellement retrouver la plume et les idées si percutantes d’Alain Damasio m’a une nouvelle fois emporté.
Avez-vous ce recueil? Quels sont pour vous les textes les plus marquants ?
Merci pour la critique.
J’avais aimé la Horde du Contrevent.
Livre incroyable : un véritable livre univers parfois peu facile (sa lecture relevant parfois du « contre »).
Même dans sa construction il est à part.
Dommage que la volte ne le propose pas en eBook …. 😥